Harricana 2015

Voici le récit de ma petite aventure de course en sentier, Harricana, en septembre 2015. Je l'avais rédigé l'année passée mais elle fut jamais publiée. Pourquoi pas la partager finalement, maintenant que l'entraînement pour l'édition 2016 bat son plein?

Le voyage de la navette qui nous menait du point d’arrivée de la course de 65 kilomètres jusqu’à son point de départ était plus long qu’attendu. Mon esprit somnolant ne savait pas quoi choisir entre une fierté ou une inquiétude d’essayer de parcourir cette distance dans les montagnes de Charlevoix. Ce sera, si je le complète, ma plus longue distance à vie qui veut nécessairement dire une certaine de nervosité. Mais je restait dans le moment présent, ma stratégie principale de cette magnifique course.
Alors que la navette arrivait, le soleil se levait. Nous avions beaucoup de temps avant le départ et j’en profitais pour apprécier les beaux panoramas de soleil levant dans le parc des Hautes Gorges. C’est là que je pris mes premières photos de mon aventure. La météo nous préparait une journée qu’on ne pouvait espérer: un beau soleil, des températures douces pour la saison. J’ai une petite pensée pour mes amis, vaillants coureurs du 125 kilomètres, qui courent depuis presque déjà cinq heures. J’espère qu’ils vont tous bien.
Lever du soleil au dessus du stationnement du Parc des Hautes-Gorges, avant le départ du 65 km. 

Je fait du triathlon avant tout mais la beauté du trail me force à en pratiquer un peu. On peut penser que les deux sports se marient à perfection puisque le triathlon est un sport d’endurance et comporte une bonne portion de course à pied. Mais la crainte est de se blesser en chutant tôt dans l’année et d’être gardé à l’écart des triathlons durant leur très courte saison.

Le départ donné, on courait sur de l’asphalte pour un petit kilomètre descendant la route pour joindre un petit pont. Certains coureurs restaient silencieux, d'autres parlaient à leur amis mais on sentait un soupçon de nervosité dans leur voix. Pour beaucoup comme moi, c'était leur plus longue course à vie. Je ne savais pas à quelle vitesse courir. Je me voyais parfois accélérer et ensuite ralentir en écoutant ma raison et me dire sagement qu’il y a beaucoup de kilomètres devant moi et du dénivelé à volonté. Je me répète mon objectif et ma stratégie de course: finir avec un sourire, courir au moment présent. Une fois passés le pont, on ne verra plus le bitume de la course. Bon débarras!

Souper de pâtes la veille. Mais quand on fait de la trail, des pâtes orignal sont préférables.
Nous avions loué un chalet à Saint-Irénée. La popularité grandissante de l’événement d'année en année fait en sorte qu’il faut soit réserver son hébergement plusieurs mois en avance, soit aller un peu plus loin, pour moi, à 40 minutes du Mont Grand Fonds, le point de départ des navettes et le point d’arrivée de toutes les distances. C’est la veille de la course et je stresse un peu pour préparer toutes mes choses jusqu'au plus petit détail: vêtements placés, sac pour avant et après la course, etc. Je stresse car je veux qu’au réveil, il n’y ait aucune place à l’erreur, que je n’ai pas besoin de penser, que j’en suis confiant. Bref, je stresse la veille pour que tout soit prêt, vérifié et revérifié pour éviter tout stress au matin. Je ne sais pas de combien d’heures de sommeil je vais profiter cette nuit vu l'anticipation de l'épreuve. Tout est en place, jusqu'à la brosse à dents placée près du lavabo, dentifrice à côté. Je peux donc me coucher l’esprit plus tranquille vers huit heures du soir. 

Surprenamment, je dors bien jusqu'à 3h du matin l’heure planifiée de lever. Automatiquement, je déjeune prend mes choses et saute dans l’auto. Je parcours de nuit la route déserte de Charlevoix, la toune très appropriée de Beau Dommage, "Roulez la nuit", me vient à la tête puis "Le vent du fleuve". Les ont-ils composées ici? Je rit à moi-même.

Je me répète le plan de match extrêmement simple: courir le moment présent. Ce que ça veut dire? Porter une attention sur ce que je ressent maintenant, mon corps, ma tête, la fatigue, la soif, l’énergie, et ajuster. Ne pas se soucier de ce qui vient, combien il reste. Ne pas compter les kilomètres. S'imbiber du paysage, du sentier. Apprécier la camaraderie avec les autres coureurs.

C'est un plan de match extrêmement simple à se dire mais je savais que ce serait tout un défi à respecter et en effet, en 65 kilomètres en montagne notre esprit à bien du temps pour s’égarer rapidement dans les calculs, les craintes, les possibilités. Mais l'aspect bien important est de savoir qu’on va diverger du plan, et ce plusieurs fois et à chaque fois qu’on diverge, mon rôle est d’en prendre conscience et de réaligner mon esprit.

J’arrivais presque premier au départ des navettes. Il faisait très noir et à part quelques chauffeurs et leur autobus qui attendaient patiemment pour nous mener au départ, on n'était pas plus que deux ou trois coureurs.  J’étais parti très tôt du chalet, d’abord pour ne pas stresser si jamais ça prenait plus de temps que prévu, s’il y aurait un imprévu mais aussi, la préparation de la veille était très payante et j'étais sorti du chalet que quelques minutes après mon réveil. L'un des coureurs présent était un montréalais qui vivait une bien mauvaise expérience. Il avait oublié son sac à Montréal qui contenait ses souliers de course, ses vêtements et tout son équipement pour l'événement. Il cherchait voir s’il pouvait trouver quelque remplacement le matin même. J'espère qu’il a trouvé de l’aide!

J’avais planifié méticuleusement l’avant-course au niveau de la nutrition et l’hydratation. Je restais donc très hydraté, une bouteille avec des électrolytes à la main depuis le réveil jusqu'au départ. Une fois dans la navette, je prend une barre tendre pour une deuxième dose d’énergie matinale. Mon sac à dos était aussi chargé de huit carrés de riz bouillis, les uns salés avec des lentilles, fromage et sel, les autres sucrés avec des pépites de chocolat, noix de coco, lait de soja et sel. Les deux, bien entendu, essayés en entraînement auparavant.

Une fois sur le sentier, il nous proposait toutes les saveurs possibles. Nous commencions sur un sentier large ce qui fut idéal pour le nombre de personnes. Les surfaces et le relief des sentiers ne cessa ensuite de varier. C’est pourquoi l’on entend souvent les coureurs dire que les courses en sentier, même si elles proposent souvent des bon dénivelés et une bonne technicité, ont l’air moins difficiles que les courses sur route. Nous sommes souvent si concentrés sur où nos pieds vont atterrir que le temps passe plus vite et la variabilité du terrain fait en sorte que nos muscles travaillent de façon moins répétitive.

Bien entendu, il faut que je regarde où mes pieds atterrissent mais si je suis mon plan de match, il faut profiter de l’aventure. Donc, parfois s’arrêter, regarder le paysage et pourquoi pas prendre quelques photos! Et une course sans surprise serait bien platte. Une des plus marquantes était de voir un coureur à deux trois mètres en avant de moi perdre soudainement plus d’un mètre de hauteur. Il venait de s’enfoncer les deux jambes dans une marre de boue et ce jusqu’aux hanches. Deux autres coureurs qui se trouvaient là lui donnèrent un coup de main pour en ressortir en essayant de ne pas perdre de chaussure au fond. La marre de boue n’était pas évidente à identifier. Ça aurait aussi bien été une petite flaque de boue sur le sentier. Nous contournions ainsi cette boue camouflée pour retourner sur le sentier. Mais à ma grande surprise, ce retour était un peu trop tôt car ce fût à mon tour de m’enfoncer dans la boue jusqu’aux hanches mais d’une seule jambe. De bons samaritains m’ont aider à en ressortir et après avoir traverser quelques ruisseaux, mes pieds étaient rincés et moins lourds de la boue accumulée.

Je me suis inscrit à la course de Harricana en janvier, soit huit mois avant la course. Une fois l’inscription faite, je l’ai oubliée au bas de ma liste de plans pour 2015. Ce ne fut qu’à la mi-juillet, soit quelques semaines après le demi Ironman de Mont Tremblant, que l’urgence de s’entraîner m’a frappée. N’ayant jamais couru cette distance et n'étant pas ferré en course en sentier, j'ignorais la meilleure approche pour s’y entraîner. J’y allais donc à tâtons en me basant sur les principes fondamentaux de l'entraînement pour finalement construire une approche qui me semblait raisonnable. Le temps était compté: huit semaines. Donc, six semaines d’entraînement à volume croissant et ensuite deux semaines d’affûtage avant la compétition. J’étais un peu inquiet du court temps de préparation, mais me concentrer sur l’objectif remettait le tout en perspective. Au fur et à mesure que les semaines s’écoulaient, le progrès à l’entraînement me faisait gagner en confiance.

Je progressais sur le sentier avec toujours un nouveau relief, de nouveaux paysages. Mon plan de “courir au moment présent” n’était pas toujours facile mais je le gardait pour cible. Les organisateurs ont très bien balisé le sentier. Il y avait même, et ce à chaque kilomètre, un panneau qui indiquait le nombre de kilomètres restants. Je m’efforçais de les ignorer du mieux que je pouvais de peur qu’ils me fassent sortir de mon état d’esprit. Je n’ai pu m’empêcher de faire un “high five” au panneau qui indiquait 23 kilomètres. C’est le panneau qui marquait donc le 42ième kilomètre complété. Je tombais donc en terrain inconnu dans la partie ultra de l’ultramarathon. Mais je savais que ce concentrer sur le nombre de kilomètres restants était une stratégie qui deviendrait très angoissante. Je réalignais donc mon esprit sur le moment présent, les sensations dans mon corps, la prochaine roche ou racine, le prochain ruisseau ou encore mieux, le prochain panorama.

65 kilomètres, s’était aussi une collection de chutes. Je me suis trouvé par terre cinq ou six fois durant mon périple. La dernière chute était particulièrement dure: le choc à l’atterrissage me fit complètement perdre le souffle pendant plusieurs secondes qui me semblaient plus qu'interminables. Une expérience que je n'avais, heureusement, jamais vécu auparavant.  Tout ce que je pouvais faire, alors que j’étais allongé sur le sol était gémir! Après une minute ou deux, tout était revenu à la normale, je me relevais et entrepris un petit trot en continuant ma course sans douleur. Ce n’est que le lendemain que la douleur de l’impact sur les côtes s’est fait sentir et dura plusieurs semaines.

Ces chutes me lient à Harricanna d’une façon particulière. Bien entendu, le terrain est accidenté et un seul faux pas sur les dizaines de milliers entrepris peut nous faire tomber. Mais la relation spéciale est que Harricanna est une levée de fonds pour la Société canadienne de la sclérose en plaques, organisme dont je bénéficie des services car la SEP est une maladie qui m’afflige. Pour moi, un des symptôme les plus marqués est une vision trouble et un sens de l’équilibre affaibli. Elle se manifeste plus quand la température de mon corps augmente. Le relief varié offre donc un défi particulier. En grimpant les montées, le corps n’a pas le choix que de se réchauffer. Le moment venu de redescendre, la vision devenue floue rend la course plus difficile car il faut bien voir les obstacles alors que nous courons plus vite.

Chutes à part, j’avançais tranquillement. J’ai eu le plaisir d’avoir de bonne conversations avec d’autres coureurs surtout ceux et celles qui ne semblaient pas préoccupés par leur temps. La forêt et la montagne sont une formule magique qui unit beaucoup de coureurs. Nous ne courons pas les uns contre les autres. Nous ne courons pas non plus contre la montagne mais avec elle.

Harricana comprend autant des petits sentiers étroits que de larges routes forestières en terre. Ces routes me sont bien plus faciles que les petits sentiers car je dépend moins de ma vision. Sur celles-ci j’accélère et dépasse les autres coureurs. Quand le sentier devient plus technique, je ralenti ou souvent je marche et les coureurs que j’ai dépassé me dépassent. Ce petit jeu de yoyo est bien amusant car je fini par croiser les mêmes coureurs, plus forts quand c'est technique. Par contre les petits sentiers sont bien plus fréquents et bien souvent, je n’ai pas la chance de rattraper ceux qui m’y dépassent.


Que dire des stations de ravitaillement à part qu’elles étaient parfaites. Le choix de nourriture était excellent et très varié: du sucré, du salé et beaucoup de choix. Et les bénévoles étaient vraiment encourageants. Merci! À la dernière station j’ai du m’arrêter et changer de chaussettes. Je sentais des petites douleurs en dessous de la plante des pieds. C’était sans doute des ampoules qui commençaient. Changer les chaussettes est une tâche assez longue dans mon cas car non seulement j’avais des bas de compression mais aussi j’avais des chevillères qui m’ont sauvé de plusieurs entorses: quand la vision devient floue et que la stabilité faibli, on ne sais pas toujours où on met le pied et on ne compense pas bien au terrain accidenté.


Quel était le moment le plus difficile? Le dernier kilomètre! Après avoir vu la pancarte qui annonçait qu’un seul kilomètre me séparait de la ligne d’arrivée je mettais ma course méditative de côté. La musique et l’annonceur que j’entendais au loin me remplit de joie et d’anticipation. J’y suis! Merci Harricana! Mais pas si vite! Euphorique, je manque le dernier virage et reste sur une route de terre qui me mène à l’entrée du stationnement de la station de ski. Je peux voir où se trouve l’arrivée mais je ne suis pas au bon endroit. J’ai manqué un virage? Où? Je rebrousse chemin pendant deux minutes mais je ne vois pas de virage, je reviens donc près du stationnement. Une personne en auto baisse la fenêtre pour m’indiquer qu’il faut que je revienne plus loin. J’y vais lentement pour apercevoir la bifurcation un peu plus loin. Cette recherche folle avec le bruit de l’annonceur et la musique qui jouait était un scénario cauchemardesque. C'était un 15 minutes qui semblaient durer plus d'une heure. Bref, je retrouve le virage manqué et me rend à l’arrivée avec un accueil inoubliable. À l’arrivée m’attendaient ma fille Lilianne et ma conjointe Kathy et plusieurs amis qui ont attendu très patiemment.

Après la course, il m'était difficile de croire que j’étais debout depuis trois heures du matin et que je courais depuis sept heures du matin. Le temps ne m’a jamais semblé long durant la course. La stratégie avait fonctionné presque parfaitement, sauf pour le dernier kilomètre.

Quoi dire au sujet de l’organisation de la course à part que c’est la compétition que j’ai trouvé, et de loin, la mieux organisée. Le défi est de taille avec des distances très variées à des points de départ différents. Il faut s’assurer que près de 150 kilomètres de sentiers soient praticables, balisés, surveillés, avec des stations de ravitaillement, des secouristes et j’en passe. Il y a même un hélicoptère stationné près de l'arrivée au cas où il y a un accident grave.

A l'arrivée, je mange, me douche et attend mes amis du 125 km. Le temps se rafraîchi et la fin de journée approche. On regarde au loin le sentier par où ressortent les coureurs à plusieurs minutes d'intervalle. A chaque fois, on se demande si c'est un ami, sinon où sont ils, vont ils toujours bien?

Fred est le premier de mes amis qui sort du bois et le quatrième des coureurs du 125 km. Il arrive à un train d'enfer. Je me souviendrai toujours de son visage: les éclaboussures de boue sur le visage, un feu dans les yeux et sûrement des sentiments qu'on ne peut mettre en mots. Il regarde derrière lui, pensant à sa douce moitié partie en même temps à 2 heures du matin pour faire 125 km, ça fait plus de 15 heures. Le flot déjà très faible d'arrivants devient une rareté.  Le soleil s'est couché et à chaque demi heure, quand on aperçoit le point d'une ou plusieurs lampes frontales apparaître au loin, on se demande qui cela pourrait être. Je reste quelques temps mais mes muscles raidissent à un point tel que marcher devient pénible. L'excitation donne sa place à la fatigue. 

Vers neuf heures, malgré moi, je plie donc baggage pour rentrer dormir au chalet. Je pense à mes amis qui sont toujours sur les sentiers et à ce qu'ils sont peut être en train de vivre.
Le lendemain, on se rencontre tous au restaurant pour le déjeuner, près du bord du fleuve, un temps qui ne pourrait être meilleur. Tous sont ici, tous ont fini la course, tous sont plus qu'heureux. Les récits sont captivants!

Entre amis, le lendemain de la course. Que dire de plus?

Aujourd'hui (juin 2016)

Cette année, si tout ce passe bien, l'aventure recommence. Le plan de match est le même: le moment présent. La date: le 10 septembre 2016. La distance: le 125 km.

Et comme l'année passée, je participe à la campagne de levée de fonds pour la Société canadienne de la sclérose en plaques. Si vous voulez m'aider à ramasser des sous, vous pouvez le faire sur ma page, ici:

Un reçu d'impôt vous est automatiquement émis quand vous contribuez.

Merci!


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